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jeudi 17 octobre 2013

Aïki, du Jutsu au Dō.

Texte de Novembre 2008, inclus dans "Le souffle du Budō" aux Editions Bod.

L'Aïkido est né des différents arts martiaux pratiqués par Moriheï Ueshiba (1883-1969) qu'il a synthétisés en y apposant ses tendances philosophiques. L'un d'eux est le Daïtō Ryu Aïki-Jujutsu qu'il a étudié auprès de Sokaku Takeda (1849-1943). Bien que Moriheï Ueshiba précise que son terme « Aïki » n'a pas le même sens que par le passé, le sien étant orienté vers l'Harmonisation et l'Amour, les similitudes des techniques du Daïtō Ryu Aïki-Jujutsu et celle de l'Aïkido sont évidentes.
 
Le terme Jutsu, traduit souvent par technique(s), évoque une finalité guerrière et destructrice à l'opposé de la volonté pacifiste du Dō (Voie, Chemin) de l'Aïkido.

Si les origines du Daïtō Ryu remontent dans le lointain Japon médiéval, l'Aïkido est né à une autre époque où il n'est plus question de cultiver l'art de la guerre mais de permettre à l'Homme de trouver matière à se réaliser en tant qu'être dans la société, à s'épanouir et à trouver sa juste place entre Terre et Ciel. Déjà, dans la culture japonaise, et bien avant l'ère Meïji, il est question de se cultiver et de s'épanouir, certes en respectant les règles de vies hiérarchisées d'une société. L'étude d'une Voie martiale, par ses aspects pluri-dimensionnels, le permet, au même titre que d'autres voies : Nō (théâtre), Sadō (cérémonie du thé), Shodō (calligraphie).

La pratique a donc pris un autre sens que la simple préparation au combat. Privé des nécessités de ce dernier, il est alors possible d'adapter les techniques suivant ce nouveau cahier des charges, tout comme les arts sportifs de combat délaissent les techniques amenant une disqualification comme les coups aux parties génitales pour ne citer que cet exemple. Il existe alors le risque de s'engager dans des voies qui peuvent s'éloigner de l'objectif martial, dans des voies sportives ou compétitives, mais aussi dans des voies plus artistiques pour les disciplines n'étant plus amenées à pratiquer le Shiaï*. L'Aïkido fait partie de ces dernières. Cette dérive possible n'empêche pas l'atteinte de la finalité moderne : la réalisation de soi, mais le chemin emprunté est tout autre.
Sur ce chemin existe l'illusion de l'efficacité technique, d'autant qu'elle n'est plus éprouvée en combat réel ou en forme de combat s'y rapprochant.

Pour le pratiquant désirant suivre les pas sur la voie tracée par Ô Senseï Ueshiba, la transmutation du Jutsu en Dō ne doit pas l'éloigner de la Voie Martiale. Mais il ne s'agit pas non plus de revenir aux techniques du passé. La technique en Aïkido doit alors s'exécuter avec Jutsu sous la bienveillance du Dō.

* Shiaï : compétition visant à vérifier les acquis techniques en situation de combat.

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