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mercredi 9 décembre 2015

L’Aïkido : Techniques martiales ?

Cet article fait suite à « L'Aïkido : quel devenir ? » et « L'Aïkido : un art martial ? »

Continuons à nous interroger sur le devenir de l'Aïkido en tant qu'art martial.
La finalité pacifiste a orienté la pratique vers des formes où le coté martial est mis de côté au profit des qualités que l'on cherche à développer ou perfectionner. Cette non-martialité a pour conséquence le non-attrait de la discipline par les plus jeunes et la baisse du nombre de pratiquants.
Le non-renouvellement de la population s'accompagne aussi du vieillissement des pratiquants et l'âge moyen des pratiquants augmente.
Nous pourrions nous réjouir du fait que, contrairement à un sport de combat, les Aïkido-ka* peuvent pratiquer jusqu'à des âges avancés. Mais nous devrions nous inquiéter d'une pratique " aménagée ", démontrée par des " vieux ", qui ne séduit plus les jeunes générations.
Après le dernier des mohicans, le dernier samurai, y aura-t-il un dernier Aïkido-ka ?

Pour survivre en tant qu'art martial, l'Aïkido doit impérativement renouer avec ses techniques martiales. Il ne s'agit pourtant pas de revenir aux techniques ancestrales du Daïto Ryu Aïki Jujutsu, car autant pratiquer le Daïto Ryu, mais il s'agit de recentrer la pratique sur la martialité.

Une citation de Ô Senseï Moriheï Ueshiba est : " L'Aïkido, c'est Irimi et Atémi ". De nos jours, peu d'Aïkido-ka* sont formés aux Atémi*. Certains les évitent même, prétextant à juste titre qu'il est préférable de construire sa technique sans Atémi en privilégiant Ma-Aï et la gestion du déséquilibre. Car apprendre à réaliser les techniques sans Atémi, c'est inviter le pratiquant à respecter le principe pacifiste de l'Aïkido.
Mais pour se passer des Atémi, il est préférable de savoir les placer : nous pourrions bluffer, pourquoi pas si ça marche ! La meilleure menace l'est parce qu'elle demeure à l'état de menace. Mais que faire lorsqu'il faudra abattre ses cartes ? Avouer que l'on pratique un art martial sans martialité ?

J'ai parmi mes amis de bons Budo-ka* qui pratiquent un art martial cousin de l'Aïkido Aïkikaï. Leurs techniques remontent à celles des champs de bataille et leur recherche est orientée vers l'efficacité. Pas de travail en Suwari Waza (technique à genoux) car ne pas se relever sur le champ de bataille c'est mourir, pas d'immobilisations ou de contrôles mais une clef articulaire déstructurante car l'ennemi guette tout autour. Pourtant, et malgré cette recherche d'efficacité, leur pratique s'accompagne d'un grand respect du partenaire et on ne lui fait pas subir une technique s'il ne connaît pas le Ukemi associé (forme corporelle pour suivre et subir la technique qui peut être une brise-chute ou une descente au sol). Leur pratique ne fait donc pas subir de dommages corporels (sauf accident, ce qui est inhérent à toute discipline martiale ou sportive). Nous pouvons alors affirmer que la finalité reste pacifique : mais ne confondons pas finalité pacificatrice et pacifiste, la première recherche à établir la paix par la guerre si besoin, la seconde se refuse à toute violence.
L'Aïkido n'est pas pacifiste, il ne refuse pas la violence puisqu'il l'étudie pour tendre à l'annihiler.

Les techniques de l'Aïkido ont une volonté pacificatrice : ne pas subir de dommage et ne pas en faire subir pour tendre vers la paix. Aussi les techniques sont orientées vers le contrôle des articulations plutôt que leur destruction : Ikkyo recherche le contrôle du coude plutôt que son amrlock. Aussi celui qui maîtrise Ikkyo pourra décider de préserver ou détruire. Au pied du mur, la forme technique privilégiera la préservation mainte fois travaillée.

Cependant, si nous exécutions des formes techniques en incohérence avec les arts du combat, alors nous ne serions que dans la position de subir les attaques d'un attaquant qui, en situation de conflit, fera fi de toute considération philosophique.

Pour recentrer les techniques de l'Aïkido vers la martialité, il faut faire un tri parmi toutes les formes proposées et exclure, ou du moins repositionner, celles qui sont des exercices visant à développer des qualités, pour privilégier au travers des formes de base et de leurs applications (et uniquement si elles sont cohérentes) le développement de ces qualités.

Nous sommes les héritiers et les gardiens des techniques martiales de l'Aïkido. Que léguerons-nous aux prochaines générations ?

* les mots japonais ne se déclinent ni en genre ni en nombre, je les écrits au singulier.

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